Ile vierge novembre 2017
Lors d’une discussion sur la Bretagne, Alain,un copain d’escalade et de boulot, m’avait parlé du mobil home de sa sœur, à louer sur la commune de Plouguerneau. C’est après avoir jeté un regard sur le coin via internet que je décidais de le louer tant les paysages semblaient magnifiques. Il se dégage de ces côtes bretonnes en dentelle sombre, une atmosphère particulière. Une visite au village de Ménéham vous met tout de suite dans l’ambiance. C’est la côte des naufrageurs, des agriculteurs, pêcheurs goémoniers qui profitaient des fortunes de mer dues aux nombreux rochers qui bordent la côte, quitte à les provoquer parfois, dit-on.
Le ciel gris foncé de cette fin novembre renforce encore cette impression. J’ai rendez-vous avec Christophe à 09h00 à la cale de Porz Grac’h . Il arrivera accompagné de Camille. Je ne les connais ni l’un ni l’autre et c’est encore une fois grâce aux forums sur internet que nous nous rencontrons.
Nous prenons peu de temps pour nous présenter et rentrons tout de suite dans la préparation de la sortie. J’avais appelé Christophe la veille car j’avais des inquiétudes, la météo annonçant des vents qui me paraissaient importants. Je lui rappelais que j’étais "débutant de chez débutant" et que je ne voulais pas les ennuyer. La réponse de Christophe « Ce n’est que du clapot » me rassura, un peu. Je ne sais pas encore si le « Tu es à l’aise dans l’eau ?» qui suivi, ne m’inquiéta pas un peu plus.
Je regarde la mer en me préparant. Il y a quelques vagues dans l’anse mais pas trop fortes et plus loin aucun mouton. Un souvenir de marin me fait penser que la mer ne commençe à devenir dangereuse que s’il y a cette petite écume sur le sommet de vagues. Dans la marine nationale, il arrivait parfois que nous puissions arrêter le navire en pleine mer pour un bain rafraichissant. Pour cela il ne devait pas y avoir de moutons.
Je m’équipe d’un pantalon « long john » qui me reste du temps où je plongeais, d’un T Shirt respirant, d’un coupe-vent plus ou moins étanche de chez D4 et d’un gilet du même magasin. L’achat de "Filalo" mon kayak perception en octobre était un investissement très récent et je n’ai pas encore eu le temps ni l’argent pour me procurer des équipements plus adaptés. Je me rends bien compte de la faiblesse de mon harnachement, en regardant Christophe et Camille, équipés comme des professionnels, casqués et équipés de VHF. Cela me rassure. Vu la couleur de leurs équipements, ils ont dû prendre la mer un nombre incalculable de fois.
Avant de partir Christophe me redemande si j’ai des appréhensions à être dans l’eau ? Je lui dis que non et pour préciser la chose, je lui explique avoir pratiqué la plongée et la nage avec palmes. Il me propose alors de faire le tour de l’Ile Vierge.
Nous pouvons donc partir. J’étais déjà passé dans le coin la veille. Il faisait beau et j’étais seul. Je n’avais pas osé m’approcher de la pointe où les vagues venaient déferler. Aujourd’hui, elles me semblent encore plus fortes. Quelques coups de pagaies et nous sortons de l’anse. Les vagues commencent à se faire sentir mais ne m’impressionnent pas. Mon bateau est stable et je n’ai aucune sensation de risque de chavirage. Je vois bien que mes nouveaux amis auscultent mes réactions. Ils me demandent régulièrement si cela va.
Nous passerons par l’ouest de l’Ile Vierge pour la contourner par le nord. Le ciel est d'un gris très près du noir et la mer nous renvoie cette couleur sombre teintée de vert. Plus nous approchons de l’ile et plus les vagues sont hautes. Elles viennent de face et, par moment, mon kayak se dresse sur le sommet des vagues et retombe avec bruit dans le creux suivant. J’ai l’impression d’être un aventurier. J’ai bien un peu de stress dans cette ambiance inconnue mais pas de peur.
Christophe se rapproche et me montre le nord de l’ile où l’on voit déferler un très grand nombre de vagues. Il me dit « Nous allons passer la-bas, au large, afin d’éviter les déferlantes, ça va aller ? ».
Je le rassure. Oui, cela va aller. Je lui explique avoir pratiqué des sports d’aventure comme l’escalade et l’alpinisme et avoir vécu des situations tendues. Je connais un peu mes réactions dans ces conditions et je sais pouvoir les gérer et les prévenir. Je ne manquerai pas de le prévenir en cas d’inquiétude.
Nous prenons large, les vagues viennent maintenant de côté. Christophe et Camille me regardent régulièrement et me sourient. Cela bouge quand même pas mal mais je n’ai pas souvenir de m’être inquiété. J’ai certes été tendu et stressé mais je crois que la présence de mes compagnons et leurs attentions étaient là pour me rassurer.
Puis nous obliquons plein sud. Les vagues viennent maintenant de derrière. Oulhalha, que se passe-t-il ? Mon bateau prend soudain de l’accélération et je sens la vague passer par dessous et me dépasser. Je regarde mes accompagnateurs qui jetent un œil en arrière de leur bateau et voyant la vague arriver se mettent à pagayer frénétiquement pour se laisser porter ensuite. Ils surfent et cela semble très amusant pour eux. Le coin est plus calme que ce que nous venons de passer et je me prends à essayer moi aussi de surfer. Mon bateau semble bien prendre la vague. J’aurai bien sûr du plaisir à ce jeu mais mes appréhensions sont encore très présentes et viennent réduire mon enthousiasme. Ce n’est pas grave car je suis heureux. Mes amis se rapprochent de l’Ile Vierge et passent près des rochers en surfant sur les vagues. Ils me font ainsi découvrir ce qu’est en vérité le kayak, un jeu avec les éléments, les vagues, la houle, les vents et les cailloux.
Nous finissons de contourner l’île et nous arrivons à une petite plage près du débarcadère du phare. Le contraste avec ce que nous avons vécu précédemment est saisissant. Ici pas une vague, pas un remous, le calme complet, la sérénité. Nous en profitons pour nous détendre un peu, enfin eux, moi c’est beaucoup de détente car tout mon corps est tendu comme du bois sec.
Nous ne sommes là plus très loin de notre point de départ et le retour se fera tranquillement après avoir repris un peu de vague en sortant de l’anse.
Nous arrivons bientôt au port et Christophe me rappelle une proposition qu’il m’avait faite lors de notre premier entretien. Il finit toujours ses sorties par un exercice de sécurité et me demande si je suis partant. Bon et bien pour tout dire, pas vraiment. Je suis un peu fatigué et l’idée de me jeter à l’eau ne me séduit pas au premier abord.Christophe profite de mon temps de réflexion pour effectuer quelques esquimautages. Camille prend sa caméra pour le filmer sous l’eau, cela fera sans doute de belles images.
Je regarde vers la cale et j’aperçois mon épouse avec les amis qui nous accompagnent pour ce WE. Je leur avais parlé de cette fin technique de la sortie et du coup, par fierté, je ne peux m’échapper. Christophe me propose de pratiquer une remontée à bord. » Tu as en déjà fait ? » me demande-t-il ? « Non Jamais ». Je connais toutefois la manœuvre pour avoir regardé des dizaines de vidéo sur le sujet. Je me renverse donc sur le coté pour me retrouver hors du bateau. J’ai réussi à remonter à bord mais je n’ai pas souvenir de la technique utilisée. Au regard des photos prises par Camille, je suis un peu surpris de me voir sur l’arrière du kayak de Christophe. J’ai dû être un peu bourrin dans la méthode à voir les traits tendus de Christophe.
Nous finissons sous le flash des amis qui n’en perdent pas une miette. Une fois sur le sable, Christophe clôturera cette navigation d’un : « C’est un bon petit gars ! » adressé à mon épouse qui a eu l’effet d’augmenter fortement ma capacité respiratoire.
Nous avons ensuite tranquillement rangé le matériel et bu une bonne bière d’abbaye sortie du camion de Christophe.
Merci Camille et merci Christophe pour ce très bon moment maritime de convivialité. Je n’ose dire à bientôt car la pointe Finistère est bien loin de chez moi mais à un de ces jours certainement. Au moment où j’écris ces mots, je suis à 3 semaines de la retraite et j’aurais donc bientôt l’occasion de venir vous voir. Ah, oui, j’ai vérifié sur internet la définition de clapot. C'est une succession de vagues courtes et irrégulières. C’est à peu près ce que nous avons rencontré mais je suppose que la qualification de la force du clapot est importante et que là, il était moyen.
Voilà, mes amis, ce récit est terminé.
A bientôt pour de nouvelles aventures.
Bonne nav !
Thierry
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